COMMENT AIDER UN PROCHE EN DEUIL

Vivre la perte d’un proche est un événement particulièrement douloureux pour celui qui le vit. Cela l’engage dans un processus de deuil qui nécessite temps et énergie. Mais qu’en est-il de l’entourage de la personne en deuil ?

J’ai choisi d’évoquer ici la situation d’une personne liée à celui qui reste ; une personne liée à celui qui vit le deuil. : le mari, la femme, l’ami(e), le frère ou la sœur, le collègue peut-être, qui côtoie une personne endeuillée.
Pour beaucoup c’est une situation délicate.
Ils sont confrontés alors aux réactions de la personne endeuillée, réactions qui peuvent être très différentes selon les personnes. Certains expriment leur désarroi, pleurent, s’énervent… D’autres semblent se fermer sur leur souffrance et devenir inaccessible au partage. D’autres encore font bonne figure et ne laissent rien entrevoir de leurs émotions, continuant de montrer le même visage souriant que d’habitude.
Et puis, dans la même journée, une personne endeuillée peut traverser différents vécus au niveau émotionnel pouvant passer des rires aux larmes et laisser son entourage un peu interdit, ne sachant sur quel pied danser.
Le conjoint, l’ami(e), le frère, la sœur ou les parents peuvent alors se sentir démunis, impuissants à fournir une aide quelconque.
Bien sûr, plus on a une affection profonde pour la personne endeuillée et plus il est difficile de la voir souffrir.  Mais c’est d’autant plus dur si on ne sait pas comment on peut l’accompagner, comment on peut agir pour être un soutien dans ce passage de sa vie.
De façon générale, nous avons peu l’habitude  non seulement d’exprimer, mais aussi d’être confronté aux émotions des autres. De fait, nous pouvons être mal à l’aise quand un proche éclate en sanglot, s’énerve, ou quand les larmes lui montent doucement aux yeux. Nous pouvons nous sentir gêné, détourner le regard, essayer de faire diversion en parlant d’autre chose. Nous faisons alors ce que nous pouvons pour l’éloigner de sa souffrance. Nous pensons bien faire, en proposant d’aller plutôt voir un film ou boire une bière. Nous tentons de faire revenir un sourire sur les lèvres de notre interlocuteur. Notre intention est souvent noble. Mais qui aide-t-on vraiment en faisant cela ? Qui met-on plus à l’aise en chassant l’émotion qui affleure? Lui, ou nous ?
Car la personne en deuil vit un processus émotionnel depuis la perte qu’elle a vécu. En d’autres termes, elle marche sur un chemin d’émotions, tout en vivant sa vie au quotidien. Un chemin qui peut durer dans le temps, même s’il n’est pas visible pour l’entourage qu’elle est engagée dans cette voie.
Et ce dont une personne en deuil à besoin pour pouvoir avancer vers la joie et l’énergie retrouvée, c’est d’abord de vivre les émotions de tristesse, de colère, de culpabilité peut-être, etc… auxquelles la confronte cette perte. Aussi douloureux que ça puisse être, elle ne peut « aller plus vite que la musique » et être à nouveau heureuse, se rappeler uniquement les bons souvenirs et sourire à la mémoire de la personne disparue si elle ne l’a pas suffisamment pleurée, si elle n’a pas suffisamment vécu la colère de l’avoir perdue et de n’avoir rien pu faire pour la retenir. Non seulement elle ne peut pas prendre de raccourci sur ce chemin-là, mais elle se trompe si elle essaie d’éviter les émotions. Le processus n’est pas accéléré dans ce cas-là. Il est ralenti, voire mis en pause. Certaines personnes sont surprises de se mettre à pleurer à chaudes larmes lorsqu’elles évoquent une personne chère, décédée il y a pourtant longtemps maintenant. Surprises d’ «en être encore là ! ». Leurs émotions étaient intactes, elles avaient simplement mis un couvercle dessus en pensant ou en s’occupant d’autre chose.
 
Alors que pouvons-nous faire pour aider un proche à rester en mouvement sur ce chemin émotionnel ? Que pouvons-nous faire pour qu’il avance vers les émotions de paix, de joie tranquille et vers l’énergie disponible qui l’attendent à l’issue de cette traversée émotionnelle ?
Nous pouvons l’aider à accepter de vivre les émotions lorsqu’il se met à les exprimer. Plutôt que de chercher une issue, le mieux que nous avons à faire est de rester là, avec la personne qui commence doucement à s’ouvrir, ne pas détourner le regard, ne pas l’interrompre non plus. Laisser la place à la détresse qui vivait en silence et qui trouve enfin un espace d’accueil pour s’exprimer. Garder le silence, regarder avec bienveillance la personne qui nous est proche en train de vivre son deuil, voilà ce que nous avons souvent du mal à faire.
Justement parce qu’il n’y a rien à faire. Seulement ne pas céder à l’impulsion de se lever, de passer à autre chose parce que c’est inconfortable d’être confronté à l’émotion douloureuse de l’autre. Mais enfin… le voilà qui sort de sa solitude en partageant son émotion. Et le fait de trouver une épaule, une oreille attentive et sans jugement… comme par magie… balaye les nuages de son chagrin. Alors que nous nous trouvons plus démunis que jamais face aux larmes qui roulent sur ses joues, soudain un sourire éclaire son visage et voilà qu’il évoque une anecdote sur la manière bien à elle qu’avait la personne disparue de faire telle ou telle chose.
Magique ?... Ou seulement naturel…
 Une émotion ne demande qu’à être vécue, accueillie, partagée, et alors, telle une vague qui peut déferler en toute liberté sur une plage et qui a atteint le bout de sa course, elle peut alors doucement refluer, ne laissant qu’une trace sur le sable qui s’estompe doucement à la chaleur du soleil.
 
Nous pouvons être d’une aide bien plus importante que nous ne l’imaginons parfois, simplement en étant présent, et en accueillant les émotions de l’autre.


Je tiens tout de même à souligner, qu’il est parfois trop difficile pour une personne endeuillée d’avancer, elle peut être comme bloquée émotionnellement, tant cette perte vient secouer en profondeur les bases sur lesquelles elle trouvait une stabilité affective. L’entourage peut alors ne pas suffire, même avec toute la présence et la bienveillance dont il peut faire preuve et un accompagnement par un professionnel qualifié de la psychothérapie (psychologue, psychothérapeute,...) pendant quelques séances, pendant quelques mois peut-être, permet de trouver l’appui nécessaire pour continuer à ressentir et traverser les émotions qui demandent à l’être.